Texte écrit par Franck Cochon:
Pour un groupe guidé par la soul sixties, ouvrir la soirée pour Sharon Jones & The Dap-Kings, c’est comme échanger quelques balles avec Federer avant la finale d’un tournoi du Grand Chelem : une expérience unique et précieuse pour gagner des années d’apprentissage.
Quand, en 2003, les Shaolin Temple Defenders ont pu s’approcher au plus près du coeur du réacteur soul-funk de Brooklyn, analyser les mises en place, détailler le plus infimes des réglages, ils s’en sont servis pour tout ce qui allait suivre.
Avec une démo au palmarès, les Defenders n’en avaient déjà pas moins assimilé les rudiments de cette soul qu’ils aimaient tant : enfilade de concerts, discipline scénique, enregistrements sur bandes où le live reste la clé de voûte.
Une mesure de titres capturés sur scène, l’autre en studio : c’est sur ces fondations que les bordelais érigeront, en 2006, Chapter One : Enter The Temple, première exposition discographique de leur vivacité. Mais rien à côté de ce qui allait se passer en 2007, quand les Shaolin feraient la connaissance de celle qui passa des décennies aux côtés de James Brown, sa choriste la plus fidèle : Martha High.
Mettant leur fougue à son service, ils écriront pour elle un répertoire sur mesure, Brother Lion, la voix du Temple, se mettant alors en retrait pour passer le costume de directeur artistique, ne montant au micro que pour quelques duos avec la Diva. Tournées, première partie de Sly Stone à l’Olympia et album live Woman (2008) couronneront ces années passées ensemble. Des années, à gravir les escaliers quatre à quatre, à accumuler de la pratique, à peaufiner.
Sortant d’un groove battu encore chaud, Chapter Two : Gettin’ The Spirit se fera, en 2009, avec Eddie Roberts (The New Mastersounds) aux manettes. Un son et des titres toujours classic soul, mais plus pour longtemps… Dès l’année suivante, ils ouvriront les portes du Temple au hip hop, au rock, au latin et aux cordes. Take It Slow (2010) marquera une soul plus sophistiquée et des Defenders se détachant de plus en plus de la source strictement 60’s. N’en oubliant jamais le goût, mais l’accommodant aux leurs, ils l’embarqueront vers des horizons aux formats plus étendus avec From The Inside en 2013 puis, en 2014 éditeront leurs aventures en version numérique uniquement avec Keep This Funk On A Roll. Suivra Shaolin Play The Beatles In a Funky Style, une tournée uniquement basée sur des titres des gars de Liverpool revisités.
Prenant la soul par son versant militant et engagé, celui qui prône l’émancipation et la libération, les Shaolin Temple Defenders dressent en 2017 l’étendard de la contestation avec Free Your Soul.
Virtuelle, politique, économique ou religieuse, l’aliénation de l’être humain est le thème central de ce cinquième album, pensé et réalisé sans rodage préalable sur scène, frontalement militant et vindicatif, encore une fois fait dans la règle d’or de l’enregistrement tous ensemble. A la satisfaction perpétuelle du besoin individuel devenu but autant que dogme, les Shaolin opposent leurs rythmiques intraitables et leurs cuivres robustes, répondant à l’égoïsme par une soul fédératrice, coopérant avec ce hip hop qui l’a si souvent samplée ou s’offrant les services du rock. Aux commandes des guitares, The Preacher s’est également chargé de la production artistique, laissant le fluide de l’orgue gospel circuler dans le groove, et le Godfather ou la Motown y poser quelques empreintes. Sans jamais perdre l’orientation qui est la leur depuis maintenant quinze ans, celle d’une soul jalousement protégée dans un temple, quelque part du côté de Bordeaux.
Free Your Mind And Your Ass Will Follow ? Free Your Soul, et la même chose devrait se produire..